Totem
Dans les entièreté figées, dans le chaos d’un vieux dolmen
dans le granite où vient s’échouer ; combien de fleurs à leur phloème
quelques pétales de magie qui croient tacher l’oubli vestale
comme nous croyions alors toucher aux rayons nus des astres pâles
quelques mots égrainant la chute d’une éternité étrangère
là où nos pas ont disparu, là où l’on voit mourir les pierres
Ressac
Dissipée dans l’orage et dans le crachin gris
des vagues qui s’échappent des vastes Normandies
Tes yeux de courants d’air perdus dans cet embrun
qui se mêle un peu trop aux mots de mon chagrin
tout à la houle où l’eau trop noire se soulève
la fin de notre histoire ou celle dont je rêve
Atave
Vas-tu passer, vas-tu sans moi
de vent parer ton triste cotre
vivre des poisons qu’on y boit
et mourir dans les bras d’une autre
vas-tu gréer ton univers
et t’évader, pour toute écume
l’amour que l’on voit éthernel
et qui n’est qu’un oiseau de brume
vas-tu sans un regard, sans rien
t’en retourner et disparaître
naviguer quelque part au loin
me dire que tu m’aimais
Granite rose
La valse des méduses qui virent nos visages
se fondre au souvenir de quelque pierre sans âge
érode dans le froid des eaux qui nous ressemblent
l’illusion de tes doigts perdus dans l’eau qui tremble
Statues
Puisque le temps semeur se meurt d’un souffle éteint
lourd est le sacré cœur de nos amours lointains
le courage éperdu des basiliques formes
la veine dissolue des singes qui s’endorment
Les chevaux d’écume
Mauve est l’amour limpide et la rosée des rêves
et le temps incertain où les ancres se lèvent
Les bateaux de passage tremblent sur l’horizon
et les flots et les plages bercées d’érosion
seules battent la grève et les eaux, rouge et or
quelques mouettes s’en vont de nouveau et encore
des bouts de bois sans nom, rejetés sur la grève
des morceaux de bétons dont les os se soulèvent
Chaque nuit se sauve, se retient au néant
Aux longes des chevaux enfuis dans l’océan
Innamomarento
Dans la lumière des phares les vagues ont coutume
de laisser aux regards le goût de notre écume
fou de bassants aux loin, leurs corps qui s’y soulèvent
dans l’impossible fin qui éloigne nos rêves
Falaises
Hal’tant, blancs et polis, les rochers tourbillonnent
et descendent le lit qu’embolissent les hommes
Tant de mélancolies dessinées aux regards
et plongeant sous la lie des eaux blanches épares
Hal’tant blancs éboulis découlant sur la grève
et sur lui, lange gris, de poussière et de rêve
Hal’tant blancs et poulis, l’éborgnant au rivage
et laissant au repli du ciment, ces étiages
aux moineaux endormis sur l’Eglise, repart
et s’envole la nuit, ces galets aux regards
Tant de mélancolie sur la gaine des rues
roulent sans fin leur vie à leur grève perdue
Tant de mélancolie, n’immacule le soir
et laisse au moins le ciel aux oiseaux qui s’égarent
Le tourment de vivre
Au mince éclat des fleurs aux mains des jours de froid
jardins des illueurs pâleur de tes doigts
si seule, si fragile dans leur tourment de givre
brisés par chaque pas dans le tourment de vivre
au mince éclat des fleurs piégées dans son armure
transparaît quelque fois l’aimable déchirure
des chairs qui succombent ô souvenir passé
toi tout ce qui succombe ce n’est que ta pensée
Clapotis
Des anneaux nous amusent, des flaques nous mirons
la vie n’est qu’un reflet dans lequel nous mourrons
une existence heureuse, une existence pleine
et la vie malheureuse qui est un loup qu’on aime